"J'ouvre les yeux après ce qui me paraît être des années. Je suis allongé dans un lit. La pièce est blanche. Je vois des tuyaux autour de moi, j'ai peur. J'entends un "bip" répétitif. Les battements de mon cœur. Je suis vivant. Je ne sais pas ce que je fais là. J'ai peur. Je voudrais partir d'ici. Mais je ne peux pas. Je suis incapable de bouger. Cloué au lit. Mes doigts s'animent doucement. Drôle de sensation. Tout mon corps prend vie progressivement. Le masque que j'ai sur la bouche me gêne. Non, il me fait mal. Il comprime ma bouche, mes lèvres, pousse mes dents. Mal mis peut-être. Je veux essayer de le remettre. Mais mes bras n'ont pas la force. Cloués au draps. Je ne sais pas pourquoi je suis là. Sûrement pour quelque chose de grave. Mais je ne sais pas quoi. Je ne sais plus. Trou noir. Ma mémoire est un gruyère. Pendant mon sommeil, les souvenirs se sont échappés. Et maintenant, je ne sais plus. Bravo cerveau. Bravo. Oubliées les raisons de ma présence ici. Pourquoi avoir un cerveau si la fonction "mémoire" ne retient rien? Je ne sais même pas comment je m'appelle. Je ne sais plus. Bravo cerveau. Bravo mémoire. Vous êtes des gruyères. Avec plein de trous. Trous noirs. Trous qui devraient aspirer les connaissances et les souvenirs au lieu de les laisser s'échapper. Heureusement, je me souviens d'une chose: je suis un garçon. D'après ce que je peux voir de mon corps, je dois avoir 14 ou 15 ans. Jeune et déjà cloué au lit par un je ne sais quoi qui me bloque. Pathétique. Inacceptable. Je dois me lever. Il le faut. Je dois montrer à mon corps que je suis capable. Qu'il est capable. Capable de bouger. Mes tentatives? Toutes des échecs. Non je ne peu pas! Je dois y arriver. J'essaie encore et encore. En vain. Satané corps! Satané cerveau! Décidément je ne peux rien faire de vous. Ne plus rien savoir. Ni bouger ni réfléchir. Voilà ce qui est frustrant. Un médecin entre, me sortant de cette réflexion. Il s'arrête, surpris. Il appelle un autre médecin, disant que je suis réveillé. Sorti de mon coma. Comment ça un coma? Je ne dormais donc pas? Je ne comprend rien à ce qui se passe. On s'affaire autour de moi, on me pose des questions. Je ne peux pas répondre. C'est trop d'un coup. J'essaie de parler sans succès. Soudain je crie. Une voie grave sort de ma bouche. C'est la mienne. Je me surprend tout seul. Les autres aussi sont surpris. Ils se sont tous arrêtés. Ils attendent que je parle. Mais à nouveau je ne peux pas. Pas de son. Rien. Silence total. [...]"

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